L'ESG chez les entreprises marocaines

Les critères ESG permettent à l’entreprise de mieux apprécier sa stratégie pour générer de la croissance durable avec une lecture revisitée des opportunités

La prise de conscience des considérations environnementales et sociales s’accélère dans le monde des affaires. Ces dernières années, de nombreux grands groupes marocains, encouragés par la réglementation sur le reporting extra-financier pour les sociétés faisant appel public à l’épargne, ont intégré l’ESG dans leur process. Salah Eddine Bennani, Senior Manager, Consulting chez Mazars au Maroc, explique dans une interview publiée dans le classement des 500 plus grandes entreprises du Maroc les enjeux et les implications de ce nouveau paradigme pour les entreprises marocaines. Extrait. 

1.    Depuis quelques années, les économies mondialisées et leurs grandes entreprises sont confrontées à un nouveau paradigme qui impose au libéralisme économique une sorte de « Reset ». On parle même de néo-capitalisme. Quel est votre regard sur cette nouvelle matrice économique ?

 Ce nouveau paradigme marque l’amorce d’une étape majeure dans le cours de l’histoire et touche aux fondements même du capitalisme. En effet, après des siècles de croissance tirée par la découverte d’importants gisements de ressources naturelles et leur exploitation de manière abondante, le monde a basculé dans un mode de consommation plus rapide qui ne permet pas à la terre de se régénérer.

 A cela se rajoute le dérèglement climatique qui s’est accentué au cours des dernières décennies. En prenant également en considération la forte croissance démographique, il va sans dire que les décideurs sont confrontés à des situations plus complexes autant sur le plan économique que politique, et dont les origines sont environnementales et sociales. D’où la concertation onusienne et la formalisation des ODD – Objectifs de développement durable – au nombre de 17 inclus dans l’Agenda 2030 de l’Organisation des Nations Unies.

 Ces enjeux impactent bien évidemment aussi le monde des affaires dans la mesure où l’entreprise exploite différentes matières premières pour produire des biens (elle peut donc être confrontée à des difficultés d’accès à ces ressources ou aussi être à l’origine de leur détérioration). D’autre part, l’entreprise subit également les affres du réchauffement climatique.

 

 2. Peut-on dire que l’ESG offre une autre image de l’entreprise au-delà de ses indicateurs financiers ?

 Oui. Les métriques ESG peuvent porter sur des informations telles que les émissions carbone, l’empreinte carbone, la vulnérabilité au changement climatique, la pollution générée et bien d’autres points en ce qui concerne le volet Environnemental.

Sur le volet Social, il y a les relations clients – fournisseurs, la conformité au droit social (dont la santé et la sécurité au travail, les sujets de discrimination, de protection de l’enfance…), parmi tant d’autres. Et en ce qui concerne le pilier Gouvernance, il y a l’éthique, la transparence fiscale, les droits des actionnaires (notamment minoritaires), la rémunération des dirigeants, etc.

 Ce sont autant d’indicateurs qui permettent de mieux connaître une entreprise, au-delà de ses états financiers, de mieux comprendre les risques auxquels elle est confrontée et les dispositifs de réponse qu’elle met en œuvre, et de mieux apprécier sa stratégie pour générer de la croissance durable avec une lecture revisitée des opportunités. Ce n’est pas un hasard si le niveau d’investissement dans les fonds ESG connaît une croissance fulgurante dans le monde : 220% d’augmentation entre 2019 et 2021, passant de 285 à 650 milliards de dollars investis (Source : Étude Refinitiv/Lipper - nov. 2021). Et il en va de même pour la mobilisation des instances régionales et internationales de normalisation comptable pour édicter des standards de reporting extra-financier (notamment GRI, ESRS, IFRS S1 et S2 publiés en juin 2023).

 Il faut remarquer que les réglementations nationales et régionales accordent de plus en plus d’importance à ces reportings extra-financiers, que cela soit à titre d’information périodique régulière ou à titre d’information requise dans le cadre d’opérations spécifiques.

 Le Maroc n’est pas en reste : l’AMMC (Autorité marocaine du marché des capitaux) a introduit, pour les sociétés faisant appel public à l’épargne, l’obligation de publier un rapport RSE / ESG dès 2020 et a revu à la hausse les exigences sur ces reportings en 2023. L’objectif de l’AMMC est de promouvoir la culture de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) au niveau des sociétés faisant appel public à l’épargne au Maroc, et de préparer ces dernières aux futures obligations de reporting ESG qu’il est prévu de mettre en place.